L’effet Pangolin : Comment mieux manager l’imprévisible?

« Ce qu’il faut toujours prévoir, c’est l’imprévu. »

Les misérables, Victor Hugo

L’évènement mondial douloureux que nous vivons illustre pleinement les caractéristiques de la nouvelle époque que le monde et les entreprises vivent depuis le milieu des années 2000.

Après la deuxième guerre mondiale, Il y eût les 30 glorieuses, époque où la production de masse primait. Tout ce qui se fabriquait trouvait preneur, et le modèle d’entreprise d’alors privilégiait un management pyramidal, très centré sur le contenu, sur le Faire. Ce qui était alors essentiel était de maîtriser le savoir-faire, et donc les compétences techniques des employés.

Le premier choc pétrolier a ouvert la voie aux 30 périlleuses, épisode qui a vu arriver la nécessité de devenir plus productif, avec les approches d’amélioration continue, de qualité totale, de juste à temps. Le management a appris à être moins pyramidal, davantage participatif, développant une approche plus organisationnelle, orientée sur les processus de fonctionnement.

L’accélération du monde depuis les années 2000, avec la mondialisation, la numérisation, l’augmentation de tous les échanges a donc vu l’arrivée d’une nouvelle époque, les années capricieuses. Pensez que le volume mondial d’information double tous les trois ans. La planète est devenue VICA, acronyme inventé par l’armée américaine : Volatile, Incertaine, Complexe et Ambiguë. Volatile, car la dynamique et la vitesse des changements s’est considérablement élevée, Incertaine, à cause d’une prédictibilité des évènements devenue faible car tout est plus Complexe (les variables à prendre en compte se sont multipliées) et Ambigu (une plus grande difficulté d’interprétation, avec une confusion des causes et des effets.)

L’actualité nous donne malheureusement un bon exemple des caprices de ce nouveau monde. Qui aurait pu prévoir en novembre 2019, lors de l’apparition d’une nouvelle maladie virale dans une ville orientale de Chine, qu’elle conduirait au confinement de la moitié de l’humanité 4 mois plus tard. Quelle entreprise, même celles dotées du meilleur processus de planification stratégique, avait inscrit cette menace dans son analyse SWOT, ou son système de management des risques, avec des actions concrètes à la clé ? on voit que les meilleurs processus du monde, apanage des 30 périlleuses, sont certes nécessaires, mais plus suffisants pour faire face.

Repenser le Management

Dans ce cas, comment répondre concrètement et efficacement à cet environnement VICA?  Autant pour contrer les menaces que pour saisir plus activement les opportunités, qui ne manqueront pas de se présenter au sortir de cette crise, à condition de les identifier. Il n’y a pas de recette de cuisine prête à l’emploi, mais la solution – si elle existe – réside dans le développement de la capacité de l’entreprise à se renouveler en permanence, grâce à l’implication de tous. On retiendra 3 idées forces à cultiver pour aller vers cet objectif.

  • Donner du SENS à l’action de chaque équipier, grâce à son implication dans la définition et la mise en œuvre de la stratégie. Un.e dirigeant.e ne peut plus prétendre maîtriser seul.e tous les éléments permettant de fixer le cap , même entouré.e de son équipe de direction. Dès lors, comment exploiter chaque élément stratégique de l’activité, chaque pièce d’information utile dont chaque salarié est dépositaire ? Donner du SENS, c’est d’abord répondre collectivement aux questions suivantes : Ensemble, Qui sommes-nous, Où allons-nous, et Pourquoi y allons-nous. Une raison d’être commune est à la fois la porte d’entrée d’une planification stratégique agile et efficace, et la clé de l’engagement de chacun.
  • Créer de la CONFIANCE entre les membres de l’organisation, qui est le terreau de toutes les intelligences collectives. Sans vraie confiance, pas de véritable transparence dans la circulation de l’information, dont on a vu que c’était un enjeu crucial. Sans vraie confiance, pas de confrontation utile, bienveillante, vers un alignement autour d’objectifs porteurs de sens. Sans vraie confiance, pas d’engagement collectif dans l’atteinte d’un résultat commun. Mais la confiance ne se décrète pas, elle se construit patiemment, à l’aide de transparence et dialogue authentique.
  • Développer la capacité d’AGIR ENSEMBLE, de la manière la plus fluide et agile possible, notamment en décentralisant les prises de décisions au niveau adéquat, selon un bon principe de subsidiarité. Le rôle du management n’est plus de décider de tout, mais d’accompagner son organisation à développer cette agilité de fonctionnement, au travers de postures de synchronisation, coopération et anticipation, avec un bon équilibre de leviers rationnels et spontanés.

Telle une équipe de sport, les entreprises gagnantes seront celles qui joueront avec la plus grande profondeur de banc, et adapteront le mieux leur tactique à leur terrain de jeu mouvant. A l’instar des grands joueurs et des grandes équipes, un accompagnement de qualité peut aider à faire la différence

« Ce qu’on appelle la chance, c’est la faculté de s’adapter instantanément à l’imprévu »

Alfred Capus

Cet article a 2 commentaires

  1. Patrick Favre

    100% en accord.
    J’ajouterai simplement qu’il faut également, dans ce monde accéléré, savoir être armé pour prendre les meilleures décisions possibles en minimisant les fausses routes induites par nos si nombreux biais cognitifs. En être conscients et s’en prémunir.

  2. Christophe Vernet

    Très vrai, Patrick! malheureusement il est très difficile, voire impossible de se prémunir contre ses propres biais cognitifs, à l’instar des illusions d’optique. Une méthode efficace consiste à mettre en place des processus de décision collectifs

Laisser un commentaire