Pourquoi le compromis n’est pas la meilleure manière de résoudre un conflit ?

Ils sont inconscients !

J’ai été récemment appelé par un chef d’entreprise qui faisait face à un conflit dans son entreprise, et qui était très en colère. Suite aux négociations annuelles obligatoires, ses salariés s’étaient mis en grève. « Ils sont inconscients, me dit-il, ils sont en train de mettre à mal le futur de l’entreprise, donc le leur, mais ils ne veulent rien savoir ! » Et il m’explique que la situation est délicate, et que les niveaux de productivité réalisés l’année passée sont insuffisants pour donner des augmentations de salaire à hauteur des demandes des représentants des salariés. « J’ai même dû inclure une remise à plat de certains accords d’entreprise trop pénalisants pour la boite, en particulier sur les horaires de travail. La situation est bloquée, venez m’aider à discuter avec eux. » D’accord, lui dis-je, mais à condition que je sois dans une position neutre de médiateur.

J’ai ainsi pu rencontrer les représentants du personnel sans parti-pris. « Notre patron ne nous respecte plus, me dirent-ils, très fâchés et angoissés. Sous couvert de difficultés passagères, il revient sur des accords passés depuis des années, et ce n’est pas acceptable. Nous sommes conscients de la situation, et les premiers à vouloir assurer la pérennité, mais ce n’est pas comme ça que nous allons y arriver. »

On voit là comment une préoccupation commune (la pérennité de l’entreprise), peut paradoxalement amener à des stratégies différentes et ainsi une opposition et un conflit. Quelle solution pour sortir de l’impasse et de cette situation bloquée ?

« Les conflits dans le monde sont le miroir de nos conflits intérieurs non résolus. »

Eckart Tolle

Le conflit des stratégies, l’harmonie des besoins

Sortir d’un conflit peut se faire de plusieurs manières :

  1. Le chef d’entreprise peut essayer de passer en force et imposer sa vision des choses, ou les syndicats maintenir la grève jusqu’à faire céder leur patron. C’est la méthode compétitive, où on cherche à faire triompher son point de vue, au détriment de l’autre. Cette approche, hélas souvent utilisée, peut se justifier dans quelques cas d’urgence, mais laisse des traces, et augure de conflits futurs sous couvert de revanches ou même vengeances. Gare à l’escalade.
  2. On peut chercher un compromis, c’est-à-dire confronter les deux stratégies opposées, pour trouver ce que chacune des deux parties est prête à céder pour arriver à un modus vivendi. C’est une méthode classique de médiation, mais qui a l’inconvénient de demander des concessions à chacune des parties en présence. On obtient un dénouement qui sera partiellement satisfaisant pour tout le monde, mais qu’il ne satisfera pas entièrement toutes les parties. Mais c’est obligé, sinon c’est impossible de trouver une solution dans une telle situation, me direz-vous ! pas forcément…
  3. La méthode du compromis confronte les stratégies en présence. Or, une stratégie n’est que la solution élaborée à un moment donné par un camp pour satisfaire ses besoins. Si l’on remonte d’un cran, lorsqu’on se focalise plutôt sur les besoins de chaque camp, il est ainsi possible d’élaborer collectivement une stratégie commune, qui satisfait tous les besoins de chacun. Énoncé comme ça, ça parait à la fois simple et simpliste. Ce n’est ni l’un ni l’autre, surtout quand on est dans la position du médiateur.

Authenticité et empathie

Les deux difficultés principales sont d’abord de recréer le lien entre les parties, puis de déterminer les besoins de chacune d’elles. Chaque camp en présence doit bien comprendre dès le départ que le but n’est pas d’amener l’autre à faire ce qu’il veut. Il est ensuite indispensable que chacun ait envie de savoir ce que l’autre ressent, et de quoi il a besoin. L’étape de détermination des besoins est délicate, et elle nécessite de l’authenticité et de l’empathie de la part du médiateur, qui doit non seulement ne pas prendre parti, mais également ne pas projeter ses propres représentations dans le processus. Une fois exprimés les sentiments, et déterminés les besoins sous-jacents, un travail collectif est mis en place pour élaborer une stratégie commune.

Promouvoir le langage du coeur

Comme vous le devinez, c’est la méthode que j’ai employée pour dénouer le conflit raconté plus haut. Le dirigeant et ses syndicats ont accepté de jouer le jeu, facilité par leur souci commun de la bonne santé de l’entreprise. Ils ont pu ainsi chacun exprimer leurs craintes et leur colère face à cette situation, ainsi que leurs besoins sous-jacents : Reconnaissance et respect de la part de leur patron, sécurité matérielle et protection, ainsi qu’équilibre entre vie privée et vie perso pour les salariés, Confiance dans son intégrité, compréhension dans son action, épanouissement ainsi que stabilité pour le chef d’entreprise. Sur ces bases-là, ils ont pu bâtir un accord commun :

Les augmentations ont été conditionnées à un plan commun d’augmentation de la productivité, largement basé sur une réorganisation de certains espaces et méthodes de travail avec une implication du CHSCT. Les syndicats ont été rassurés du fait que ces plans ne conduiraient pas à des suppressions d’emplois. Les pauses ont été réaménagées, afin d’augmenter un peu le temps de travail sans toucher aux horaires d’arrivée et départ et ainsi préserver l’équilibre avec la vie de famille. D’autres mesures du même style ont pu voir le jour en concertation.

La méthode que j’ai pu appliquer ici a été mise au point par Marshall Rosenberg, psychologue et médiateur américain, créateur de la « Communication Non Violente. » Comme on l’a vu, elle permet de dénouer des conflits en assurant la satisfaction des besoins de chacune des parties. Puissante, elle reste délicate dans sa mise en œuvre et nécessite un médiateur ou coach expérimenté pour la piloter.

« On a le choix dans notre vie entre être heureux
et avoir raison. »

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